La venue de la flotte Russe à Toulon 1893

Tony MARMOTTANS

Président de la République et de l’État-Major de la division russe. Sur ce dernier événement, nous avons consacré ci-dessous un texte intitulé Sadi Carnot. Les gouvernants de l’époque avaient voulu associer la Marine française à celle des Tsars et ce n’était pas un hasard, car il s’agissait pour eux de vaincre l’isolement diplomatique dont souffrait la France depuis sa défaite humiliante de 1871. Au mois de décembre de cette année 1893, fut célébré le centenaire de la reprise de Toulon aux Anglais et dont le jeune Bonaparte fut le principal artisan. Notre biographie de Saturnin Fabre a montré comment la journée du 17 décembre avait revêtu un éclat particulier avec les cérémonies organisées pour la commémoration d’une victoire d’ampleur nationale, en collaboration avec le Maire de Toulon, M. Ferrero.

Mais revenons à la venue des marins russes qui donna l’occasion de nombreuses réjouissances, de discours officiels dont le retentissement recherché était à l’évidence le renforcement de l’alliance franco-russe. Rappelons au passage que la visite des navires russes venait en réponse à celle que la marine française fit à Cronstadt deux ans auparavant sous le commandement de l’Amiral Gervais. Les affairistes français ne cachaient pas leur satisfaction de ces échanges au bout desquels ils voyaient se réaliser leurs calculs revanchards et leur retour à la France des riches gisements miniers de la Lorraine.

Venons en, à présent, à cette journée de vendredi 13 octobre 1893 qui s’annonçait magnifique par son ciel bleu sans nuages, une mer sans le moindre clapotis, une de ces journées dont les habitants de notre rivage provençal sont si souvent privilégiés en cette saison automnale.

L’entrée de la flotte russe dans la rade de Toulon s’effectua vers les dix heures. Mais depuis le lever du jour les Seynois et les Toulonnais occupaient les rivages de la presqu’île de Saint-Mandrier, du Lazaret, de Balaguier, de l’Éguillette. De l’autre côté de la rade, les toulonnais s’étaient mobilisés eux aussi sur les rivages du Mourillon et de la tour royale.

Le croiseur français Davout salua de treize coups de canon le pavillon du contre-amiral Avellan hissé sur L’Empereur Nicolas Ier duquel s’élevaient les accents de la Marseillaise, tandis que la musique du Davout fit retentir l’hymne national russe. L’entrée de la petite rade fut rapidement envahie par des bateaux en provenance de Marseille, de Cannes, de Nice. Les équipages poussaient partout des acclamations de joie en réponse aux vivats de la population. Le navire vice-amiral était accompagné de trois unités : Amiral Nakimoff, Pamyat Azowa, Rynda, équipé par les marins de la garde impériale. On a estimé à 200.000 personnes le flot de la population toulonnaise qui voulait voir le spectacle de près. Une importante délégation seynoise conduite par M. Saturnin Fabre, Maire de La Seyne, participa à la réception des notables à la Préfecture maritime. Ce qui ajouta à l’enthousiasme des populations seynoise et toulonnaise fut la décision des autorités locales d’accorder un jour de congé à toutes les administrations et corporations. Dans notre ville, la foule grouillait sur le port. Tous les établissements étaient illuminés ainsi que l’hôtel de ville et le siège des inscrits maritimes. L’escadre russe resta au mouillage dans la rade du 13 au 30 octobre. Chaque jour, les équipages étaient reçus dans toutes les localités de l’aire toulonnaise et les réjouissances les plus diverses furent organisées : réceptions, fêtes, concerts, bataille de fleurs, banquets, bals, excursions…

Partout pour les visiteurs slaves ce furent des acclamations, et un enthousiasme débordant. On avait déjà eu l’occasion, quelques années auparavant, de faire connaissance avec des marins et des officiers russes venus prendre possession du cuirassé Yaroslav construit aux Forges et Chantiers de La Seyne. C’était en 1879. La visite de l’escadre russe n’eut pas seulement un caractère local. L’Amiral Avellan ayant touché la terre de France à Toulon, se rendit à Paris prendre contact avec des autorités militaires du plus haut niveau.

Au cours de la journée du 19 octobre, une délégation d’ouvriers de nos chantiers navals fut présentée au capitaine de vaisseau Lavroff, remplaçant de l’Amiral Avellan en voyage à Paris. Un vin d’honneur fut offert par la municipalité aux marins russes et au cours de toutes ces réjouissances, nos musiques locales La Seynoise et l’Avenir Seynois jouèrent les meilleurs morceaux de leur répertoire. Le séjour de la division navale russe eut un grand retentissement bien au-delà de notre région varoise. Les liens d’amitié entre la France et la Russie allaient se renforcer jusqu’à la conclusion d’une alliance politique, économique et militaire. À partir de là, le quai principal du port de Toulon se dénomma quai Cronstadt.

Par la suite, le gouvernement russe passa des commandes importantes aux chantiers navals seynois : le cuirassé Cesarevitch en 1898 ; le Bayan l’année suivante ; l’amiral Makaroff en 1905. L’escadre russe commandée par l’Amiral Avellan quitta la rade de Toulon le 30 octobre. Ses équipages emportèrent des souvenirs inoubliables et, de leur côté, nos anciens qui vécurent intensément les dernières années du XIXe siècle et le renforcement de l’alliance franco-russe nous ont relaté les événements de l’époque avec force précision. Mais le bon peuple ignorait les finalités de ces rapprochements politiques, de ces intrigues diplomatiques. On savait à peine qu’en 1882 avait été conclue la triple alliance qui groupait l’Allemagne, l’Autriche et l’Italie ; qu’en 1892 une convention d’alliance fut signée à Cronstadt entre la France et la Russie, accord qui fut ratifié en 1893 par le Tsar Alexandre III. Cette alliance franco-russe fut complétée en 1904 par des accords signés avec l’Angleterre et porta le nom d’entente cordiale. L’opposition de ces deux blocs déboucha hélas ! sur la première guerre mondiale. Pauvres peuples trompés, manipulés, intoxiqués ! Et la télévision n’existait pas encore ! En voulez-vous un tout petit exemple ? Quand les jeunes Seynois mobilisés s’embarquèrent dans les wagons (8 chevaux – 40 hommes) en présence de leur famille, ils s’écriaient :  » N’ayez aucun souci ! Dans quinze jours, nous serons de retour. Le temps d’aller couper les moustaches à Guillaume !  » Sans commentaire ! Et la guerre dura quatre ans !

L’Alliance Franco-Russe

Le 4 janvier 1894 prend forme l’alliance franco-russe.

Une convention militaire secrète est signée entre le gouvernement républicain de la France, sous la présidence de Sadi Carnot, et le gouvernement autocratique du tsar Alexandre III, qui a pris le contrepied de la politique libérale et réformatrice de son prédécesseur, Alexandes II.

Joseph Savès. Alliance contre nature….

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Auteur de l’article : ARP